Une Production Editoriale Non-Alignée -
En rassemblant des auteurs, des chercheurs, des artistes, les éditions Homnisphères trouvent leur expression dans la production d’essais pluridisciplinaires engagés. Face au danger d’un apartheid culturel planétaire, l’une des voies les plus radicales pour contourner l’uniformité des savoirs réside, paradoxalement, dans l’ouverture la plus large possible aux diversités des contenus, aux décloisonnements disciplinaires et aux modes de pensée hétérodoxes.

L’autre voie, permettant de résister à la domestication culturelle, réside dans la libre circulation des productions de sens et dans leur libre-accès. En se constituant sous la forme d’un bureau d’auteurs - l’auteur est le premier acteur dans la chaîne de diffusion des savoirs - Homnisphères entend exister à travers et par un questionnement sur la notion de productions éditoriales et de productions immatérielles, sur la notion d’auteur et de droits d’auteur.

A l’heure du langage unique et de l’inondation de l’information, il devient urgent de re-penser la question du langage, de re-réfléchir à la notion de langage composite et de langage combinatoire qui n’aliène pas la pensée. Il n’y a pas de hiérarchie de langage dans la pensée ; selon les problématiques rencontrées, nous avons toujours l’option de choisir pour essayer de comprendre, d’analyser, de conceptualiser et de construire/déconstruire.

Pour un développement de l’édition non-alignée

Dans le monde en général, en France en particulier, les logiques de concentration dans les secteurs de la culture, de la communication et des médias se sont accélérées ces dernières années. Ces logiques menacent la diversité des formes d’expression et la production culturelle indépendante. La diffusion des œuvres de l’esprit suit ainsi une logique de marché uniforme, dans laquelle prédominent des produits standardisés et la préoccupation d’une rentabilité à court terme. Cette logique ne laisse plus le temps ni la place à une production culturelle innovante dans sa forme et son contenu, elle ne prend pas de risque lorsque l’expérimentation ou l’engagement de sens prime sur la valeur marchande du bien culturel.

Cette standardisation est de plus en plus évidente dans l’édition et la diffusion, où elle créé des phénomènes complexes d’autocensure, réduisant la diversité visible des œuvres produites et diffusées. Dans l’Horloge Universelle (2001), le cinéaste Peter Watkins dénonce le formatage universel non seulement de la durée mais, plus grave, du style du documentaire. Des logiques similaires sont en œuvre pour le texte. Ainsi en France, avec des milliers d’ouvrages déversés chez tous les libraires de France par Hachette, bras armé édition-distribution de l’empire Lagardère ; bel exemple de censure par étouffement, de censure douce qui asphyxie lentement mais irrémédiablement les productions à la marge.

Dans un pays qui s’enorgueillit de posséder une pluralité éditoriale, l’organisation de l’édition est pour le moins facile à analyser avec la très forte prépondérance pour ne pas dire le quasi-monopole du groupe Lagardère et d’une poignée de gros éditeurs : elle n’est que fonction de la distribution qui commande toute la chaîne de fabrication des livres et relègue au second plan le contenu ; selon des normes et des pourcentages liées aux titres, aux thématiques et à certains auteurs. Sans parler bien sûr des noms, pour ne pas dire des marques, de ces maisons dites indépendantes inféodés au groupe Lagardère, rêvant de prendre la place du calife et employant, avant l’heure, les mêmes techniques, pour ne pas dire les mêmes armes.

En réaction, des processus d’autonomisation ont vu le jour au terme duquel se sont constitués des champs autonomes, des univers-action éditoriaux, différents du monde social environnant et obéissant à des lois qui leur sont propres. Ces multitudes créatives, affranchies de la loi du profit et de l’intérêt, défendent très difficilement leur indépendance devant l’intrusion de la logique commerciale à tous les stades sans exception de la production et de la circulation des biens culturels en général et des productions textuelles en particulier.

Parfois ce sont de très petites initiatives, parfois des initiatives plus complexes, plus articulées, offrant l’espoir que le double refus - celui de l’industrie culturelle et celui du système de l’art - survive et croisse durablement. Toutes ces initiatives ne présentent pas le même plan de montage ni le même fonctionnement. Mais elles en ont en commun de refuser l’impératif du dernier cri, la discrimination in/out et l’asservissement au mode féodal et hégémonique des grosses machines de guerre éditoriales. Tout comme elles ont en commun une véritable conscience politique de ce qu’elles font en développant et en animant, en coopération avec des auteurs, des diffuseurs et des acteurs engagés, un univers parallèle du livre.