Sur son corps difforme se dressent deux têtes à hurler.
Bien qu’en surcharge pondérale chronique, il est toujours affamé.
Il se remplit de n’importe quoi pour combler son estomac à double paroi.
Son corps vermoulu est le tronc d’une forêt de crimes.
Ses quatre pieds se marchent dessus.
Ses quatre mains se palpent le cul.
Ses quatre yeux s’auto-surveillent.
Ses deux têtes se tordent le cou.
Inquiet, il tient à s’assurer de la présence constante de son corps fusionnel.
Ses deux lèvres soudées se mordent jusqu’au sang pour se convaincre de leur amour mutuel.
Ses deux sexes rudimentaires sont toujours emboîtés,
Leurs muqueuses sont collées par du sperme séché.
Son ventre toujours fécond expulse des tas de bêtes immondes qui le videront de sa sève empoisonnée.
Les deux moitiés complémentaires se contemplent dans les miroirs de la télé,
Elles se trouvent belles.
Enchaînées par un amour exclusif et dévorant, elles se nourrissent l’une l’autre,
Aucune aventure n’est tolérée, plutôt crever.
Sa double personnalité lui permet une vie sadomasochiste très raffinée.
Ses corps s’ajoutent, mais ses cerveaux n’en forment plus qu’un, divisé par deux.
Parfois, du monstre tendrement enlacé surgit un avorton criard pendu à un cordon qui cherche à toucher le sol pour s’échapper avant de mourir étouffé ou incorporé.
Les clones qui sortent de lui vont s’amalgamer avec l’amour de leur vie pour créer un nouveau foyer d’infection.
Pâles copies conformes qu’on nomme reproductions.
Toujours en conflit avec lui-même, il marche de biais, comme les crabes, jusqu’à la tombe qu’il creuse avec ses mandibules plombées par le temps.
Il n’en restera rien, juste un moule où d’autres viendront s’étendre.