Pour sonner l’envoi, des violets et des jaunes éclatants se marient sur les tapis verts tendres.
Telles des nouvelles-nées, les feuilles sortent de leur cocon enveloppées dans un fragile duvet blanc.
Les montagnes inaccessibles fondent et nourrissent les torrents d’eau vive.
En lisière des forêts, des tapis d’écus d’or se répandent gratuitement sur le sol.
Les barrages cèdent, et l’eau ruisselle enfin dans tous les recoins desséchés et oubliés par la pluie.
Les hommes délaissent leurs grands manteaux gris et s’offrent nus au soleil levant.
Les dards noirs se recouvrent de pétales immaculés.
Les tanks rouillent au fond des bois, emprisonnés par des lianes.
La rosé perle au bout des herbes fraîches et brille au soleil comme des nuées de diamants.
Les banques closes sont décorées de dessins multicolores et deviennent des tableaux abstraits.
Les odeurs de soufre sont absorbées par celles des fleurs qui se répandent dans les têtes.
Oubliés, les billets verts et sang moisissent au fond des tiroirs-caisses.
Certains les enterrent profondément pour éviter que leur venin ne repousse.
Au coin des bois, le renard salue le lapin, et chacun vaque à ses affaires.
Les prés de béton se garnissent de dalles de verdure.
Tous les verrous ont sauté, plus besoin de clefs ni de mots de passe.
Les passants brûlent leurs cartes bancaires et se tendent les deux joues.
Les corbeaux dansent dans le ciel et défèquent avec entrain leurs fientes acides pour accélérer la ruine des sièges sociaux désertés.
La boue se décante et offre des brassées de fruits.
Dans les rues libérées du commerce de la mort, les humains se tiennent par la main sans conditions pour traverser avec les porcs et les poules.
Les abeilles sortent de l’ombre pour féconder le sexe des fleurs.
Les prisons sont vides, et livrées aux vents pour qu’ils rappellent les fantômes du passé en sifflant entre les barreaux.
Les arbres caressent le ciel avec leurs nouvelles voiles.
Les humains se touchent et font l’amour, surtout s’ils ne se connaissent pas.
Les fleuves chargés de limons traversent sans craintes les frontières, elles n’existent plus et ne déversent plus leurs lots de poisons.
L’air est léger, il n’est plus chargé du plomb des cheminées des usines à vides.
Les papillons s’élancent enfin hors de leurs tombes, pour un vol éternel dans le ciel d’été.
Autre centre de gravité, la Terre a changé d’orbite et voyage dans l’éternité.
Dieu n’est plus dans les nuages ou prisonnier du cerveau des assassins, tous les êtres l’ont invité sur Terre à partager leurs vies, pour le grand banquet de la liberté. Et pour la première fois Il s’y sent comme chez Lui.
Partout s’allument de grands brasiers pour brûler les dernières illusions et consumer tous les charniers.
Des nuages se forment à l’horizon pour le premier orage.
Espérons que tout ça n’est pas juste un retour de printemps.
A nous de nourrir le feu immense et permanent de l’amour pour que l’hiver ne puisse plus nous surprendre et nous emprisonner dans sa glace.
Pour illustrer ce texte, une photo de Flore-Aël Surun :
- Des manifestants Anti-G8 sous la douche
- Photo de Flore-Aël Surun (de Tendance Floue), extraite de la série "comment défendre son paradis". Tous droits réservés.