J’aime bien jouer dans le grenier à grain, on y trouve tout un bric-à-brac et, mêlée à celle de la poussière, il y règne une bonne odeur de blé et de maïs. Je me cache derrière les énormes sacs et je regarde les poules à travers les fentes du plancher.
Avec mon cousin, on organise parfois des expéditions téméraires qui commencent par l’escalade de la fenêtre grillagée qui donne derrière l’étable, près de la fosse à purin. Sous les vieux sacs à moitié décomposés, on découvre des trésors, des objets très anciens dont l’usage est pour nous mystérieux.
Ma grand-mère m’envoie souvent au grenier à grain chercher une boîte de maïs pour les poules, j’en profite pour en mâcher une poignée, c’est un peu dur au début, mais ce n’est pas mauvais, un ersatz de chewing-gum.
A chaque fois, je vois des tas de petites souris qui se faufilent dans tous les coins, entre les pierres du mur, sous le plancher, derrière les sacs, les cachettes abondent. Elles font des trous au hasard et c’est le jackpot à tous les coups, les grains leur tombent dessus en pluie, une vraie caverne d’Ali Baba. Les chats, devenus un peu gras, ne savent plus où donner de la tête, et les pièges, pas plus que les poisons, ne sont d’un grand effet.
Aussi, me voilà chargé d’une mission : dégommer les souris au vingt-deux long-rifle. C’est mon père, un chasseur du dimanche, qui m’a appris les rudiments de l’usage des vraies armes à feu. Tout excité, je charge le fusil et j’avance à pas de loup sur les marches qui mènent au grenier. J’ouvre la vieille porte en bois aussi rapidement et aussi silencieusement que possible. Une petite souris détale sur le plancher. Sans viser, par réflexe, je pointe l’arme vers elle et je tire. La souris saute, retombe, et ne bouge plus. Je m’approche, étonné, elle est bel et bien morte, tuée sur le coup. Fier de ma chance et honteux comme un assassin, je ressors montrer mon trophée de chasse.
Depuis, je n’ai plus retouché à un quelconque fusil, je préfère le lance-pierres ou les arcs.