Il existe trois accès pour se rendre à la cave : la porte qui donne en contrebas de la cour, une deuxième située de l’autre côté au fond d’un couloir, mais qui est le plus souvent fermée, et l’étroit escalier intérieur qui descend à pic au milieu de la maison.
Quand j’étais plus petit, j’avais peur d’y aller seul chercher du bois ou une conserve, surtout qu’il y avait toujours un imbécile pour éteindre la lumière quand je me trouvais au milieu de l’escalier. En bas, les pièces dans la pénombre et les recoins mystérieux m’impressionnaient.
A présent, je circule sans crainte dans ce fourre-tout ordonné. On rencontre des piles de cagettes, des courges rangées sur des étagères, des placards remplis de confitures avec leur couche de moisi à la surface, des boîtes grillagées pour l’affinage des fromages, des tas de patates et de pommes, un établi où je viens prendre des clous et bricoler mon lance-pierres, un tas de bois pour la cuisinière et même une chambre, abandonnée depuis que l’étage sous les toits a été aménagé. Mais la cave garde toujours une ambiance un peu inquiétante, les odeurs de moisis, de graisses pour moteur et de fromage se mélangent, le « clong » régulier de la batterie du parc électrique donne un rythme, elle semble douée d’une vie propre, on croit entendre sa respiration et sentir son souffle. Et puis il s’y passe des choses pas toujours ragoûtantes.
Il y a les lapins que ma grand-mère vient égorger et dépecer, les coqs que l’on trouve la tête en bas au dessus d’un seau rempli de sang et les carcasses de mouton que mon père découpe dans la pièce du congélateur avec des scies et de grands couteaux. Tout le monde participe à cette chaîne dite alimentaire, chacun sa tâche, il y a ceux qui nourrissent les bêtes, ceux qui les tuent et les découpent, d’autres font la cuisine et en bout de chaîne on trouve les mangeurs, dont je fais partie. Evidemment, certaines personnes, comme ma grand-mère, occupent tous les postes de la ferme.
Devant le tas de bois se trouvent des billots dont je me sers pour fendre des planchettes destinées à l’allumage du feu. Un jour, en plantant la hachette dans un billot très usé, j’ai remarqué des traces de sang, je n’ai pas su de quel animal il provenait.
La cave sert aussi à la reproduction canine. Un voisin voulait faire prendre sa chienne en chaleur par le chien de race de mon père, ils les ont donc enfermés ensemble. Au début, la chienne avait peur et montrait les dents, puis elle s’est laissée faire. Ils se sont reniflés le derrière et le mâle lui est monté dessus en tirant la langue. J’ai eu le temps de vois son pénis fin et rétractile, pas si différent du mien. Le voisin tenait sa chienne pour éviter qu’elle ne s’enfuit avant que l’autre n’ait terminé. Elle a aussi laissé des traînées de sang un peu partout sur le sol crasseux.
Il ne faut pas croire, outre la réserve de clous et de confitures, on trouve aussi des bonnes choses à la cave. Le congélateur ne contient pas que des blocs de viande de mouton ou de sanglier, il arrive qu’il renferme des pots de glace et je vais en chiper une ou deux avec la voisine.
Autre avantage, quand la voisine est en robe, je lui laisse un peu d’avance pour remonter l’escalier raide, je peux ainsi apercevoir furtivement ses jambes. Un jour, il m’a bien semblé qu’elle n’avait pas de culotte.